L'adolescence dans No et moi

Une narratrice adolescente

Dans No et moi, Delphine de Vigan raconte l'histoire du point de vue de Lou Bertignac, une adolescente exceptionnelle. Grâce à cette perspective, le roman aborde avec justesse les préoccupations typiques des jeunes, telles que l'amitié, l'amour, la mode et l'exclusion sociale. Toutefois, Lou est loin d'être une adolescente ordinaire :

• Précocité intellectuelle : Avec un Q.I. de 160, Lou est surdouée et a sauté deux classes. Elle est souvent en décalage avec les autres élèves : « Je suis la première de la classe, docile et silencieuse » [P122].
• Langage sophistiqué et poétique : Malgré son âge, Lou exprime des idées profondes et poétiques : « La vérité c'est que les choses sont ce qu'elles sont. La réalité reprend toujours le dessus... » [P191]. Cela contraste avec les dialogues familiers de Lucas et No, ce qui renforce l'image d'une adolescente à part. Le choix de Lou comme narratrice donne au roman un ton authentique et touchant, tout en permettant à l'auteure d'aborder des thèmes complexes avec une voix innocente, idéaliste, mais perspicace.

L'idéalisme adolescent : entre naïveté et détermination

Lou incarne l'idéalisme propre à l'adolescence, cet espoir tenace que l'on peut changer le monde :

• Lorsqu'elle suggère d'accueillir des sans-abris dans chaque famille, elle dit avec conviction : « Si chacun décidait de s'occuper d'une personne, une seule… » [P81].
• Son père, plus réaliste, lui oppose un point de vue pragmatique : « Les choses sont toujours plus compliquées qu'il y paraît » [P82]. L'idéalisme de Lou la pousse à agir avec spontanéité : elle cache No chez Lucas, ment à ses parents et finit par fuguer avec elle, refusant d'abandonner son amie : « Jusqu'au bout » [P188]. Cet engagement fervent est un reflet poignant des rêves adolescents, souvent en conflit avec la dure réalité du monde adulte.

Lucas, quant à lui, partage cet idéalisme, mais avec plus de lucidité :

• Il avertit Lou que « Les gens qui sont dans la rue, ils sont cassés » [P121].
• Lorsqu'il remarque les excès de No, il réagit avec fatalisme : « On ne peut pas se battre contre ça » [P206]. Ainsi, Lucas agit comme un contrepoint à Lou, soulignant à la fois sa naïveté et son courage. L'idéal de Lou est admirable mais souligne les défis auxquels l'adolescence est confrontée lorsqu'elle veut changer le monde.

L'amour adolescent : Lou et Lucas

L'amour naissant entre Lou et Lucas est une intrigue secondaire qui apporte un souffle d'optimisme au roman. Dès les premières pages, une attirance mutuelle est perceptible :

• Lou décrit Lucas avec admiration : « Ses yeux sont immenses, je pourrais me noyer à l'intérieur » [P12].

• Lucas, de son côté, lui donne un surnom affectueux : « Pépite » [P38], ce qui marque leur complicité croissante. Au fil du récit, leur relation évolue de manière naturelle :

• Lucas invite Lou chez lui [P79] et plus tard à la patinoire [P99].

• Lou rêve avec innocence d'un premier baiser : « Quand on embrasse, dans quel sens faut-il tourner la langue ? » [P79]. Finalement, c'est à la fin du livre que leur attirance se concrétise : ils s'embrassent [P250]. Ce moment contraste avec le vide dans la vie de No, renforçant l'idée que Lou et Lucas, malgré leurs blessures, ont un avenir plus prometteur.

L'analyse : Cet amour adolescent, innocent et tendre, équilibre les thèmes plus sombres du roman. Leur relation illustre les premiers pas vers la maturité affective.

L'exclusion sociale : Lou face à la bande in

Un autre thème central de l'adolescence dans No et moi est la difficulté d'intégrer un groupe. Lou, en raison de sa précocité et de sa timidité, se sent exclue du monde de ses camarades :

• Axelle Vernoux et Léa Germain, les filles populaires et à la mode, se moquent d'elle dès le début : « Axelle Vernoux et Léa Germain pouffent en silence derrière leurs mains » [P11].

• Lou observe les autres élèves seule, depuis un banc isolé dans la cour : « un petit coin de la cour » [P34]. Cependant, à mesure que Lou prend confiance en elle, les attitudes changent :

• Après son exposé, même Axelle et Léa applaudissent [P122].

• Lorsqu'elle défend Axelle face à Monsieur Marin, cette dernière lui montre sa gratitude [P127].

• Enfin, à la fin du livre, Axelle et Léa l'invitent à leur prochaine fête, signe de son acceptation dans leur cercle [P248]. Cette évolution montre que l'adolescence est une période où l'on recherche à la fois sa place et son identité. Lou, qui commence le récit comme une solitaire, parvient progressivement à se faire accepter.

Les fêtes, la mode et la technologie

Delphine de Vigan dresse un portrait réaliste de la vie des adolescents en intégrant des éléments de leur quotidien :

• Les fêtes : Lou est d'abord trop timide pour aller aux fêtes organisées par Axelle et Léa, ce qui accentue son exclusion. À la fin du roman, elle promet d'y aller, signe qu'elle a gagné en confiance.
• La mode : Les marques populaires comme Converse, H&M ou Pimkie sont mentionnées, soulignant l'importance de l'apparence chez les adolescents. Lou remarque son décalage par rapport aux filles à la mode : « Ce serait plus simple si j'étais comme elles » [P126].
• La technologie : À l'époque du récit (2006), les adolescents discutent sur MSN et s'envoient des SMS, reflétant les nouvelles habitudes numériques des jeunes. L'analyse : Ces détails ancrent le roman dans un contexte réaliste et montrent que Lou, malgré sa précocité, reste une adolescente influencée par la culture de son époque.

Les attitudes face à l'autorité

L'adolescence est aussi marquée par une remise en question de l'autorité, particulièrement visible à travers la figure de Monsieur Marin, le professeur strict :

• Lucas incarne la rébellion : il quitte la classe « la tête haute » lorsqu'il est renvoyé [P33].
• Lou, au contraire, est d'abord obéissante et discrète. Mais elle finit par défier Monsieur Marin lorsqu'il humilie Axelle pour sa nouvelle coiffure : « Moi, je n'aime pas qu'on humilie les gens, comme ça, gratuitement » [P127]. Cette scène montre l'évolution de Lou : elle s'affirme, défend ses principes et gagne en maturité.

Une adolescence marquée par la solitude

Lou, No et Lucas partagent une expérience commune : celle de la solitude. Chacun se sent abandonné ou différent :

• Lou : exclue à l'école, isolée par sa précocité intellectuelle.
• Lucas : abandonné par ses parents et livré à lui-même.
• No : rejetée par sa mère, elle erre dans un monde où elle n'a pas sa place. Leur amitié naît de cette solitude partagée et souligne l'importance de l'adolescence comme une période de quête de connexion et de compréhension.