La tristesse dans No et moi
Bernard et Anouk
La tristesse chez Bernard et Anouk découle directement d'un événement tragique : la mort subite de leur deuxième fille, Thaïs.
- La dépression d'Anouk :
- Cet événement déclenche chez Anouk une dépression sévère qui l'isole du reste du monde : « Elle ne sort plus, elle ne bouge plus, elle ne vit plus » [P14].
- Elle ne mange pas avec la famille, reste au lit toute la journée et n'interagit pas avec Lou : « Plus jamais elle ne me serre contre elle » [P55].
- La tristesse cachée de Bernard :
- Bernard essaie de sauver les apparences mais sa tristesse est évidente : « Mon père pleure en cachette dans la salle de bains » [P14].
- Lou décrit cette tristesse comme profonde et silencieuse, une douleur que l'on cache pour ne pas l'affronter : « Je sais reconnaître la tristesse de mon père et celle de ma mère, comme des lames de fond » [P42].
La tristesse de Lou
La tristesse de Lou est omniprésente dans le roman et trouve ses origines dans plusieurs aspects de sa vie :
- L'absence d'amour maternel :
- Lou souffre du manque d'affection de sa mère, Anouk, qui s'est éloignée émotionnellement depuis la mort de Thaïs.
- Lorsqu'elle essaie de se rapprocher d'Anouk, elle est confrontée à une barrière émotionnelle : « Si elle avait dit 'tu es jolie', ou seulement 'tu es toute mignonne', je crois que j'aurais trouvé la force de sortir » [P35].
- La solitude sociale :
- À l'école, Lou est exclue par ses camarades en raison de son jeune âge et de sa timidité. Elle s'assoit seule dans la cour et observe les autres élèves de loin.
- Elle décrit avec amertume les filles populaires : « Elles rient, elles boivent des coups, elles se téléphonent, elles vont chez H&M » [P34]. Cela accentue son sentiment de décalage et de tristesse.
- Un refuge dans l'observation :
- La gare d'Austerlitz devient pour Lou un lieu symbolique où elle peut observer les émotions des autres pour compenser le vide émotionnel de sa propre vie : « J'aime bien regarder l'émotion des gens » [P15].
- Une maison pesante :
- Lou décrit l'appartement familial comme un lieu figé par la tristesse : « Toute cette tristesse qui colle aux murs, à cause du vide dans les yeux de ma mère » [P99].
- Le poisson pané que son père prépare devient un symbole de la banalité et du malaise familial.
La tristesse de No
No est un personnage profondément marqué par la solitude, le rejet et la violence.
- Une enfance brisée :
- Rejetée par sa mère dès sa naissance, No a grandi sans amour ni stabilité : « Elle n'a jamais pris No dans ses bras. Elle n'a jamais dit 'je t'aime' ».
- Placée en famille d'accueil puis en internat, elle quitte l'école sans diplôme, ce qui la conduit à une existence précaire et marginalisée.
- Le rejet de sa mère :
- La scène où No va voir sa mère à Ivry est l'un des moments les plus poignants du roman : « Elle refuse de lui ouvrir la porte ».
- No est accablée et incapable de contenir son chagrin : « Elle se laisse glisser par terre et son corps tremble » [P168].
- Un espoir éphémère :
- Son séjour chez les Bertignac lui offre une famille de substitution, mais cela ne dure pas. Rejetée à nouveau, elle sombre dans l'alcoolisme et la prostitution.
- No exprime son désespoir : « Je suis pas de ta famille… Elle pleure. Dans le vent glacé, elle a du mal à contenir ses sanglots » [P174-175].
La tristesse chez Lucas
Lucas est un personnage solitaire sous une apparence de confiance et de charisme.
- Un abandon parental :
- Lucas a été abandonné par ses parents :
- Son père vit au Brésil.
- Sa mère est absente, vivant avec son nouveau compagnon à Neuilly.
- Il se retrouve donc seul dans l'appartement familial.
- Une façade sociale :
- À l'école, Lucas est perçu comme « le roi, l'insolent, le rebelle » [P122]. Il est respecté, admiré et fait partie de la bande populaire.
- Toutefois, cette popularité masque une profonde solitude qu'il ne partage avec personne.
- Un lien avec Lou et No :
- Sa relation avec Lou et son soutien à No montrent qu'il cherche des connexions sincères.
- Malgré ses propres blessures, Lucas devient un pilier pour Lou, prouvant qu'il cache une grande sensibilité derrière son attitude rebelle.
La tristesse chez les sans-abris
Delphine de Vigan utilise la vie des sans-abris pour mettre en lumière la tristesse invisible de ceux qui vivent en marge de la société.
- Une existence marquée par le rejet :
- No explique que les sans-abris sont exclus de la société : « Dehors, on n'a pas d'amis » [P58].
- Ils vivent dans un monde à part, rejetés et ignorés par les autres.
- Des témoignages poignants :
- No raconte des moments marquants de la vie dans la rue : des disputes violentes pour des broutilles comme un mégot de cigarette : « Voilà ce qu'on devient, des bêtes, des putain de bêtes » [P65].
- La violence invisible :
- Cette tristesse est souvent silencieuse et invisible. No parle du harcèlement qu'elle subit et de son impuissance face à la rue.
Le vocabulaire et la symbolique
La tristesse est renforcée par le choix du vocabulaire et l'utilisation d'éléments symboliques :
- Le vocabulaire récurrent :
- Mots-clés : « tristesse », « chagrin », « pleurer », « cœur en miettes ».
- Ces mots apparaissent régulièrement, créant un sentiment omniprésent de mélancolie.
- Symboles visuels :
- Les photos et objets (la boîte de souvenirs de Lou, les photos de Lucas) symbolisent des moments heureux du passé qui contrastent avec le présent douloureux.
- Le poisson pané représente la monotonie et le désespoir de la famille Bertignac.
- Le temps et l'ambiance :
- La météo reflète souvent l'état d'esprit des personnages : « Le ciel est bas et lourd » [P67].
Une lueur d'espoir
Malgré la tristesse omniprésente, il existe des moments de bonheur dans le roman :
- Lou, No et Lucas partagent des instants de complicité chez Lucas.
- Lou retrouve une relation plus affectueuse avec sa mère.
- Lucas envisage de vivre avec sa mère, un changement positif dans sa vie.